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Suivez la mise en œuvre de la pièce avec les metteurs en scène.
Retrouvez les comédiens et leurs personnages.
Participez à l’ambiance des répétitions avec l’équipe technique.
dans une mise en scène de Anne et Gérald Glibert
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Deux ex-chômeurs plus très jeunes retiennent l’attention des journalistes pour une émission de téléréalité sur le thème du chômage. Mais au moment où l’un des candidats va être sélectionné, on le trouve assassiné.
Cette pièce aux allures de thriller, écrite à la fin des années 80, est toujours d’actualité, sinon davantage aujourd’hui qu’hier. Travail et réussite sociale sont plus que jamais des impératifs catégoriques. Et devenir star de TV, ne fût-ce qu’un soir, en déballant sa vie, consacre le prestige d’un homme.
Cette œuvre, d’une écriture surprenante, bouscule toutes les conventionsd’un certain théâtre classique. Elle brocarde avec humour l’extase où tombent les individus face à la télé et la manipulation que ce petit écran exerce sur toutes les catégories sociales, magistrats y compris.
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Une interview de
Béatrice Lefeuve et Adèle Grandjouan
journalistes à la TV
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Au bistrot du coin, Béatrice parcourt le dernier gratuit. Adèle sirote son café. Midi.
Béatrice : Eh r’garde ! Le Grenier de Boitsfort présente un spectacle de Michel Vinaver ! Tu l’as déjà rencontré ?
Adèle : Qui ?
Béatrice : Bon t’as pas travaillé au Mad pour la rubrique "spectacle" toi ? Vinaver, tiens !
Adèle : Bah ! Tu pouvais parler du Grenier de Boitsfort non ? C’est aussi à la rubrique "spectacle" !
Béatrice : Le Grenier de Boitsfort j’connais : ceux qui présentent des auteurs contemporains…
Adèle : Vinaver tu sais c’est un peu un marginal. Sa pièce L’Emission de Télévision a été une création de la Comédie française. Il a été PDG de Gillette Belgique puis de Gillette Italie puis de Gillette France. Et après tout ça professeur d’études théâtrales à l’Université Paris VIII !!! Alors j’aime autant t’dire que la société elle passe sur le fil du rasoir…
Béatrice : Beuurk ! t’as d’ces jeux d’mots ! J’suis pas fort avancée.
Adèle : Eh bien, va la voir cette pièce. Au Grenier de Boitsfort !
Ils la jouent en janvier 2006.
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Le metteur en scène peut être considéré comme le chef d’orchestre : il offre aux spectateurs une interprétation personnelle de la pièce.
Au Grenier de Boitsfort, les metteurs en scène, au-delà de la mise en scène et de la direction d’acteur, conçoivent (si nécessaire avec un concepteur lumière) le décor lumineux et travaillent avec la troupe et le régisseur son pour le choix des musiques et bruitages. Les metteurs en scène dressent la liste des accessoires et la scénographie est créée en collaboration avec les décorateurs, tout comme l’affiche avec les graphistes.
Béatrice a rencontré pour vous les metteurs en scène.
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Béatrice :
Anne, l’écriture de Michel Vinaver vous a séduite. Pourquoi ?
Anne :
Elle colle au quotidien d’une façon poétique. Attention ! N’allez pas croire que Vinaver tisse des métaphores et autres figures de style standard à chaque coin de phrase. Oubliez petites fleurs et jolis oiseaux. La poésie, comme travail sur la langue, se trouve dans le montage sonore et rythmique des mots et des dialogues, dans les collisions et les accidents entre des répliques qui n’ont à première vue rien à voir ensemble. Étonnante création poétique aussi dans le traitement iconoclaste de l’espace et du temps. Tout cela produit étrangeté dramatique et drôlerie inattendue.
Béatrice : C’est votre deuxième mise en scène, Gérald, vous vous tournez plutôt vers la direction d’acteur. Quels sont les plaisirs de ce volet de la mise en scène ?
Gérald : RRrrr Pffffff RRRrrrrrrrr Pffffffffffff Rrrr…
Béatrice : Je traduis. "Quelle joie, quel bonheur de dormir du sommeil du juste après une répète ! "
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Hubert Phélypeaux, juge d’instruction
Estelle Belot, greffière
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Estelle Belot : Si je savais au moins qui tirait la couverture nous irions peut-être plus loin.
Phélypeaux : Tirez tirez mais pas sur votre cache cœur.
Estelle Belot : Il ou elle la tenait bien cette couverture. Pas moyen de voir ou de savoir.
Phélypeaux : Il vous sied élégamment.
Estelle Belot : Demain peut-être ou alors l’énigme sera encore plus inaccessible.
Phélypeaux : Mademoiselle Belot faites entrer le témoin suivant je vous prie.
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Dimanche matin, Béatrice et Adèle se sont rendues aux Écuries de la Maison Haute. Casquette sur la tête, André ajuste des roulettes sur un bloc. Présentations faites, nos journalistes passent à l’assaut.
Béatrice : Comment préparez-vous le décor de cette pièce ?
André : Des contacts par téléphone et par courriel sont échangés régulièrement avec Anne. Elle me résume la pièce, je reçois le texte.
Anne dresse la liste des meubles et accessoires à trouver et à fabriquer. Après quoi je lui propose des solutions, nous définissons ensemble l’esprit dans lequel travailler, les choix des couleurs et du matériel afin que je puisse passer à la réalisation.
Pour ce spectacle, des éléments spécifiques ont été créés.
Adèle : Vous participez aux répétitions ?
André : Une première répétition en salle me permet de vérifier les rideaux et les spots, de planter le décor sur scène et d’organiser, dans les coulisses, les éléments en attente des différents actes. C’est l’occasion aussi pour les metteurs en scène de préciser l’emplacement des éléments du décor sur scène (au vu des déplacements des comédiens) et de me demander des modifications ou des ajouts.
Lors d’une de ces répétitions, je pointe les projos et les équipe de filtres de couleur (pour des ambiances diverses) selon les directives des metteurs en scène.
Béatrice : Quand posez-vous le décor ?
André : Chaque répétition en salle (nous en avons trois avant la générale) exige la pose du décor, afin que les comédiens puissent appréhender l’espace et évoluer à leur aise lors du spectacle.
Ces répétitions demandent chargements et déchargements de ma camionnette, les décors étant temporairement stockés chez moi.
Adèle : Votre présence s’impose pendant les spectacles ?
André : Pour la générale et les spectacles, j’assure la bonne mise en place des décors et des lumières ainsi que la régie plateau (changements à vue des décors entre les actes) avec Marie-Paule et les comédiens. La régie lumière et son, elle, est assurée par Tania.
Béatrice : Ah ! Voilà des comédiens qui arrivent … On vous laisse à vos décors.
Adèle : Merci pour l’interview. C’est Vincent qui sera content !
André : Enchanté d’avoir fait connaissance. À bientôt… Je vous réserve des places !
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Lors d’une répétition une comédienne s’est confiée à Béatrice
Cette pièce écrite sans ponctuation avec coq-à-l’âne et sauts dans l’espace-temps est un véritable défi pour tous
Adèle s’est empressée de poser LA question à tous les participants de l’émission de télévision
Pourquoi avez-vous accepter de monter cette pièce
Kai
tout le monde a besoin de couleur sur les joues surtout au mois de janvier
Éric
cela faisait trois ans que je cherchais du travail
Claire
je ne savais que faire le dimanche soir je me sens très seule
Benoît
j’ai jugé la pièce intéressante et je suis prêt à m’y inculper totalement
MP
ma vie commence après 17 heures
André
ça change des régies d’orchestre on finit plus tôt
Géraldine
je serai enfin sous le feu des projos je passe à la télé
Martine
je ne comprends rien à LA question je tiens le bar moi
Dominique
uniquement pour faire plaisir
Tania
je suis incapable de faire autre chose
Christine
je suis un pneu de rechange mais pas d’inquiétude la machine continue de rouler
David
je voulais être un artiste je voulais faire mon numéro je voulais être sous les projecteurs sous les coups de flash je voulais qu’on écrive des articles sur notre art Voilà les raisons pour lesquelles je participe à cette pièce et surtout parce que j’aime bien qu’on soit tous ensemble
Stéphanie
me faire diriger violemment par Gérald et rouler des pelles à Nathanaël quelle jouissance
Nathanaël
Gérald m’avait garanti beaucoup de promiscuité avec une jolie comédienne
Gérald
j’ai l’âme d’un tyran
Anastassia
… ?
Violaine
On m’avait proposé un cachet surdimensionné et un iPod on m’avait assuré que le réalisateur était Spielberg
Anne
Je suis fana de sport et surtout de la corde raide et du saut périlleux
Virginie
reste sans voix
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Rose et Pierre Delile
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Cuisine pavillon Delile. Pierre rentre du Bricomarket où il a été récemment engagé. Soir.
Rose : Tu sais Pierre, j’ai encore pensé à cette émission. C’est génial. On te verra en homme fort, courageux sur ton vélo. Le Ventoux tu l’as fait plusieurs fois, même que proche du sommet t’avais le vent de face… tu m’ l’as dit.
Pierre : C’est vrai de face.
Rose : Tu es un battant Pierre. Tu pensais à Coppi Anquetil Merckx Hinault …
Pierre : Coppi Anquetil Merckx Hinault et aussi Poulidor.
Rose : Un héros. Tu es un héros !
Pierre : Qui déambule dans les allées du Bricomarket.
Coup de sonnette
Rose : Les éclairagistes sont là avec les preneurs de son ! Entrez !
Pierre : Et mon pneu qui est plat…
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Aux Écuries de la Maison Haute, tout est en place pour un filage (répétition de toute la pièce d’un seul jet sans costume ni maquillage. Les metteurs en scène feront leurs remarques en fin de jeu).
Chacune à son poste, Marie-Paule, accessoiriste - régisseuse plateau et Tania régisseuse son et lumière, attendent le signal. Dans la pénombre de la cabine technique, Adèle s’est glissée auprès de Tania. Celle-ci à mi-voix lui donne son point de vue sur la régie lumière.
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Tania : Tout comme le fer à repasser, le théâtre a existé bien avant l’électricité.
Il pourrait continuer sans. Pour le maintien du couple où l’un n’a pas besoin de l’autre, la Lampe a donc tout intérêt à trouver quelques petites astuces pour se rendre indispensable.
En clair, plus le jeu de lumière est compliqué plus je vaux.
Quant à la pièce de Vinaver sur la télévision, indirectement sur l’électricité, c’est presque l’hommage aux projecteurs. Ses actions en hausse, longue vie est promise aux lampistes.
André s’affaire à repointer un projo déplacé. Dans les loges, c’est l’occasion pour Anastassia, la costumière, d’essayer un cache-poussière à Éric, tandis que Nathanaël lui demande son avis sur sa chemise.
Adèle : Vous trouvez où l’inspiration pour créer les costumes ?
Anastassia : Les couleurs, les personnes et les ambiances qui m’ont marquée (ce que n’empêche pas de se documenter au besoin).
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Kai , la maquilleuse, vient prendre la température : chouette ambiance, c’est déjà la fête !
Adèle : Tous vous avez une vie professionnelle et vous vous investissez bénévolement dans la troupe. Que vous apporte un tel loisir ?
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MP : Chacun d’entre nous connaît l’amour du théâtre et du spectacle et possède un désir de création. Nous enfantons selon nos compétences artistiques et techniques un univers féerique et éphémère.
C’est un bonheur de mener à bien un projet commun avec un maximum de qualité artistique, malgré des conditions pécuniaires très restreintes. Le spectacle, point culminant de notre intention, nous rapproche tous dans une connivence très forte et ô combien joviale : nous vivons ensemble des instants magiques…
Les comédiens achèvent de répéter leurs scènes à l’italienne (répliques récitées de mémoire sans y donner de l’intention). Anne et Gérald prennent place dans les gradins.
Silence… Concentration… Le temps est suspendu…
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Paul Delile
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Jacky Niel, journaliste pigiste
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Paul a donné RDV à Jacky. Jacky tarde. Paul joue des pouces. Bar Le New York. Matin.
Paul : ou T ? :- ( 100 twa
Jacky : BNJ 7 C+ CB 10Q
Paul : GKOU1CD GM lar C D6D swi P1NTR
Jacky : J4YI ILY ILY ILY ILY ILY !
Paul : GTM
Jacky : GIWIST B4
Paul : KRS
Jacky : H&K
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Aide à la compréhension :
Paul : Où t’es ? je suis triste sans toi.
Jacky : Bonjour (BonJouR) c’est (7) cool (C+) de rappeler (Call Back) Merci (Thank You).
Paul : J’écoute un CD. J’aime l’art. C’est décidé, je suis peintre !
Jacky : Juste pour ton information (Just for You Information) Je t’aime (I Love You) !
Paul : Je t’aime, je suis heureux.
Jacky : Eh bien je regrette de ne pas l’avoir dit (Gee I Wish I’d Said That) avant (BeFor).
Paul : Caresses.
Jacky : Étreintes et baisers (Hugs and Kisses).
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Avant de passer à l’émission "Le Monde et moi" de Vincent Bonnemalle, les deux journalistes confient leur frimousse à la maquilleuse. Tout est prétexte à leur enquête sur Le Grenier de Boitsfort.
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Béatrice : Vous êtes une femme active Kai, vous possédez plusieurs cordes à votre arc. Qu’avez-vous déjà réalisé dans les divers domaines du spectacle ?
Kai : Le théâtre contemporain m’attire beaucoup et pour Le Grenier de Boitsfort, j’ai été, entre autres, une fille légère (Harold Pinter, L’Anniversaire), une mère polonaise (René Kalisky, Aïda vaincue) et la Duchesse (Paul Emond, Convives).
Quelques coups de pinceaux illuminent les pommettes d’Adèle.
Kai : J’ai mis les mains à la pâte pour la mise en scène de L’Opéra du Gueux (John Gay) et de Faux-Fuyants (Steven Dietz). Et l’année passée, Tailleur pour Dames de Georges Feydeau m’a demandé tout un programme de maquillage.
Béatrice : Avez-vous suivi une formation théâtrale ?
Kai : Je suis une fidèle habituée des stages organisés par des comédiens et des metteurs en scène ou parfois par des associations de théâtre amateur, ceci pour le maquillage également.
Kai juge de l’effet obtenu : sous les spots, le maquillage est essentiel pour donner du relief au visage.
Adèle : Quel type de maquillage créerez-vous pour L’émission de télévision ?
Kai : Cette fois-ci, le maquillage montrera tout : le bon côté et le mauvais côté des caractères - comme à la télé !
La porte de la loge s’entrouve. Vincent Bonnemalle approuve le résultat. Adèle et Béatrice rejoignent le plateau. Silence, on tourne !
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Caroline et Nicolas Blache
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Nicolas : Chérie que penses-tu préparer pour notre invitée de demain soir ? Je viens de saisir une occasion unique ! Tu me connais. Une cuvée magnifique : robe rubis nez élégant velouté mais puissant avec des nuances de fruits rouges. En bouche beaucoup d’ampleur de rondeur et de chair : un château Margaux… Je ne te dis que ça !
Caroline : Quel bonheur ! Justement à la télé pour une réception intime chez les Giscard d’Estaing, Jean-Pierre Coffre vient de mitonner une recette toute simple. J’ai pris note : un régal !
Nicolas : Simple, tu as raison, il faut faire simple
Caroline : Oui décontracté comme si de rien n’était
Nicolas : Une invitation en toute simplicité
Caroline : Juste entre nous
Nicolas : Simplicissime
Caroline : Sans façon
Nicolas : …
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Au bistrot du coin, Béatrice termine le plat du jour. Adèle déguste son chocolat chaud. Midi.
Béatrice : Tu as pensé à nous réserver deux places pour L’émission de télévision ?
Adèle : Tu crois qu’il faut réserver ?
Béatrice : M’enfin ! T’as ton portable ?
Adèle : OK - j’envoie un sms.
Béatrice : T’oublie pas - nom, nombre de places et date.
Adèle : Oh lala ! Je croirais entendre mon père !
Vincent Bonnemalle entre et s’installe à la table. Bref signe de reconnaissance à Béatrice. Regard amusé sur Adèle.
Vincent : Alors Adèle, tu commandes déjà le programme ?
Béatrice : Tu parles. C’est pas elle qui y penserait !
Adèle : Pourquoi ? Faut prendre le programme ? On a la farde de presse quand-même ! ! !
Vincent : Ça, c’est pour les archives. Tu vas m’dire…
... pourquoi demander le programme de la pièce ?
Le programme présente d’abord l’intérêt d’informer le spectateur sur le nom et la fonction de toutes les personnes de la troupe - acteurs et techniciens - qui ont contribué au projet.
Dans le programme, le spectateur trouvera aussi une approche de l’auteur et de son œuvre par le metteur en scène. Elle est le résultat de recherches et d’analyses mais aussi l’aboutissement de discussions autour de l’œuvre avec la troupe elle-même. Elle a l’ambition d’aider le spectateur à entrer dans la représentation qu’on lui propose.
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Que vous regardiez le JT ou l’affiche du Grenier de Boitsfort, c’est l’info qui prime. Ceci dit, on ne réalise pas souvent le travail que demande la mise en évidence de l’info. Pour la mettre en valeur, des spécialistes font preuve de leur talent. Celui de graphiste n’est pas l’un des moindres !
Béatrice a rencontré pour vous Virginie qui a conçu et réalisé l’affiche et l’affichette pour L’émission de télévison de Michel Vinaver.
Béatrice : Une main qui n’appartient ni à un homme ni à une femme tente de saisir un monde virtuel et est dévorée par l’éclat de l’écran TV. Par quel cheminement êtes-vous arrivée à cette idée ?
Virginie : En tant que graphiste, j’ai l’habitude de recevoir des briefings (informations concernant le travail à réaliser) et de trouver l’idée qui représente l’identité du client. Il faut donc se renseigner sur l’entreprise, le client. Ça va de la couleur de son logo à l’ambiance et au message que l’on veut donner.
Mon briefing ici, c’était la pièce. C’est comme un roman, on met en image ses mots. Je réfléchis à l’ambiance que pourrait donner la pièce, au message qu’elle fait passer, je donne une identité à l’histoire en une image, un flash.
Avant de lire la pièce, j’avais déjà cette envie de rester dans le côté non figuratif, ou tout serait suggéré.
L’idée se précise petit à petit. Un homme en mal être, une envie de lumière, d’exister. Pour moi l’idée était trouvée en 40 minutes, le temps de lire la pièce.
Une main comme irradiée, attirée par cette écran. Qui ne rêve de passer un jour à la télé ?
Un carnet de dessin rempli de crayonnages, quelques traits jetés sur un calque, des feutres, des layouts (maquettes de présentation au client) et bien évidement le Mac : Béatrice découvre le monde de la graphiste.
Béatrice : Vous disposez de différents outils pour la mise en œuvre de votre idée. Quels sont-ils dans ce cas ? Commencez-vous par des esquisses ? Travaillez-vous directement sur l’ordinateur ?
Virginie : Cela dépend toujours du sujet. Souvent je dessine un croquis, je vais vers plusieurs choix, laisse reposer et reviens dessus par la suite.
Pour cette pièce tout coulait de source donc j’ai fait très peu de recherches préparatoires : je peux juste dire que je suis un génie, non je rigole. On fait toujours des recherches avant de commencer un travail. Ici, l’essentiel était de trouver et de retravailler une photo dans l’idée que je m’étais faite de la pièce. Ensuite, de trouver une fonte (une famille de caractères typographiques) et un corps (une grandeur) de lettre approprié, des couleurs qui accompagnent l’ambiance de la photo et renforcent parfois l’idée de chaleur ou pas.
Sur la table de travail de Virginie, les affiches d’un bleu irréel côtoient les flyers à distribuer. Virginie a aussi préparé la page de couverture du programme : une troisième version de la mise en page. Et pourtant, c’est à peine si on s’aperçoit d’une différence.
Béatrice : Les affiches sont sur format A3 (double feuille dactylo) et les affichettes sur A5 (demi-feuille dactylo) cela pose-t-il des contraintes à la création ?
Virginie : Non, je n’appellerais pas ça une contrainte. Il faut en effet réadapter les textes car les informations sont différentes selon le format. Mais nous fonctionnons dans des normes proportionnelles donc l’effort est juste d’avoir le bon regard sur les espaces et la place des choses.
Evidemment, la contrainte peut être donnée par le metteur en scène qui voudrait mettre certaines choses plus ou moins en avant plutôt que d’autres. C’est pour cela qu’en général j’attends toujours un accord sur une version, que la fonte plaise, la taille donnée à cette fonte aussi et les placements des différents textes. Une fois la demande réalisée, je peux faire l’adaptation des autres formats.
Béatrice : Dans la rue il y en a plein la vue d’affiches, de panneaux, d’enseignes… Les graphistes s’occupent d’autres choses que de publicité ?
Virginie : Oui, évidemment, je dirais même qu’ils s’occupent de tout. Ce que vous tenez en main c’est un graphiste qui le réalise. Car il y a toutes sortes de graphistes qu’on appelle "designer".
La création d’un objet, une assiette (designer objet), sa décoration (designer comme moi par exemple). Nous faisons des brochures, les magazines que vous lisez chaque semaine (potins et programmes tv), les tickets de concert, les pochettes cd, les étiquettes sur votre après shampoing. Le monde est un art. Il n’est qu’imagination et création.
Si on ne s’en rend pas compte, c’est que c’est bien fait. On donne l’impression aux gens qu’il est normal d’avoir une affiche dans l’abri-bus avec le dernier film à la mode ou l’information sur le dernier expresso tendance.
Le monde est ainsi, on pousse à la consommation mais on informe aussi.
Béatrice : Autre chose à ajouter ?
Virginie : Et bien, c’est toujours un plaisir de travailler pour des gens doués et qui aiment ce que vous faites. Ça stimule et ça donne envie d’aller plus loin.
Et comme Virginie s’est également occupée de la version électronique, Béatrice a laissé son adresse couriel en demandant de recevoir un fichier de l’affichette pour le diffuser auprès de ses amis.
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Les tuyaux d’Adèle, les conseils de Béatrice :
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Cher téléspectateur, d’ici peu aux Écuries de la Maison Haute, tu rencontreras tes amis et connaissances : comédiens, metteurs en scène, régisseurs, graphiste et tous ceux qui participent à ce spectacle étonnant. C’est l’occasion de prendre une bière.
Pendant l’entracte et après le spectacle, Vincent Bonnemalle circulera parmi vous et posera quelques questions à l’un ou l’autre. Pour la bonne tenue de sa célèbre émission « Le Monde et moi » il serait préférable d’adopter un vocabulaire ajusté aux arts de la scène.
Voici quelques termes qui pourront t’être utiles.
Didascalie : tout ce qui dans le texte d’une pièce de théâtre n’est pas le dialogue. Nom des personnages, indications scéniques (lieu et temps), indications de décors, de mouvements ou de tons, consignes données au metteur en scène, etc.
Ne t’avise pas de critiquer les didascalies après le spectacle !
Dramaturgie : concept flou, de contours et de portée variables.
Si tu n’as pas d’avis sur la pièce de théâtre, parle d’une dramaturgie en adéquation avec sa thématique.
Draperies : Étoffes tendues ou froncées qui ferment l’espace scénique.
Rideaux (de scène ou de fond), pendrillons (rideaux étroits disposés plan par plan à cour et à jardin qui permettent les entrées et sorties des comédiens), frises (bandes horizontales masquant les projecteurs et autres mécanismes de décor).
Pour ce spectacle, on utilise comme décor l’équipement de base de velours noir. Michel Vinaver précise dans ses didascalies « Ni décor, ni musique, ni bruitage. Le strict minimum d’éléments mobiliers : ceux qui servent au jeu. »
Ce qui s’accorde à la conception minimaliste de la scénographie du Grenier de Boitsfort.
Parodie : caricature d’une œuvre sérieuse.
Si tu proposes à Vincent Bonnemalle une parodie de son émission « Le Monde et moi », fais gaffe !
Manille et poulie : matériel d’accrochage et de manœuvre pour les salles équipées de draperies ou de décors mobiles.
C’est pas le cas.
Régie : organisation matérielle du spectacle.
Attention : le terme de "régie" recouvre plusieurs définitions.
Régie des accessoires : elle est tenue par l’accessoiriste avant, pendant et après la représentation.
Y a des bouteilles de bière comme accessoire, mais y en a aussi au bar !
Régie technique : ou cabine technique, lieu généralement modeste où se trouvent les consoles d’éclairage et de son.
Même comme méga copain ou cool copine, tu ne peux avoir accès ni à la régie ni aux loges : elles sont réservées aux membres de la troupe. On se retrouve au bar : y a des bières.
Scénographie : art de la mise en forme de l’espace de représentation (conception de l’aménagement du lieu, décors, lumières…).
Lors d’un prochain évènement au P.B.A. (Palais des Beaux-Arts) tu pourras t’exclamer : Ma chère / Mon cher, la scénographie muséale est époustouflante !
Théâtralogie : étude du théâtre dans toutes ses manifestations.
Comme tu viens bien à l’avance pour la billetterie, prends avec toi un traité de théâtralogie, tu pourras le piocher en attendant l’ouverture de la salle. Car après l’heure, c’est plus l’heure … À bon entendeur, salut !
À bientôt. Rendez-vous pour l’interview de Vincent.
Signé : Adèle et Béatrice
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Qui a tué Nicolas Blache ?
Rose ? Pierre ? Caroline ?
Les mobiles ne manquent pas.
Mais là n’est pas la question …
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